Projet Daphnis

Un collier innovant pour protéger les troupeaux de la prédation.

Si le chien de protection reste aujourd’hui la défense des troupeaux la plus efficace face à la prédation, il n’est pas nécessairement adaptable à tous les systèmes d’élevage et cohabite parfois difficilement avec les activités touristiques, qui demeurent l’un des piliers de l’économie de nombreux territoires.

Ce nouvel outil, en cour de conception, se présente sous la forme d’un collier, porté en permanence par plusieurs brebis du troupeau, capable de détecter une attaque et d’émettre un répulsif spécifique. Ce dispositif, issu du biomimétisme (Ingénierie consistant à s’inspirer des solutions du monde vivant, éprouvées par des millions d’années d’évolution, pour créer un outil adapté au milieu et à ses contraintes) imite les mécanismes de défense apparus au cours de l’évolution chez certaines espèces . Le meilleur exemple étant les guêpes ou frelon qui se protègent des prédateurs grâce à leur piqûre douloureuse dont la menace est associée aux signaux d’avertissement (rayures contrastée, couleur vives…)

L’objectif est donc de faire comprendre durablement au loup qu’il y a un risque de s’en prendre au bétail , grâce aux principes d’apprentissage par association. Ce nouvel outil, fiable et abordable financièrement, permettra ainsi :

  • De renforcer la prévention classique (berger, clôtures, effaroucheurs, etc.) ;
  • D’offrir une alternative là où celle-ci s’avère difficile ou impossible à mettre en place ;
  • D’intervenir dans les contextes où elle atteint ses limites d’efficacité.

Comment fonctionne le collier ?

Daphnis a été développé grâce à une approche unique au monde, basée sur l’étude des comportements de prédation et de fuite du bétail à l’aide de l’imagerie thermique et de suivis des comportements ovins par accéléromètrie.

Une fois le dispositif positionné sur la brebis, tous les mouvements sortant de l’ordinaire sont détectés par des accéléromètres (capteurs qui permettent de mesurer, entre autres, les mouvements de l’animal) qui déclencheront si nécessaire l’émission d’un répulsif puissant, très irritant mais non létal, additionné de phéromones d’alarme synthétisées visant à renforcer la puissance du signal.

L’association peut s’effectuer en une seule exposition si le stimulus utilisé est inconnu du loup (on le qualifie alors de « discriminant »). Il est donc obligatoire d’associer au collier un stimulus discriminant qui apparaîtra brièvement juste avant l’éjection du répulsif. La conséquence est que le prédateur associera l’expérience traumatique au stimulus discriminant. Il suffira dorénavant de le placer sur ou à proximité des brebis pour que le loup exposé évite le stimulus et indirectement le troupeau.

En quoi est-ce novateur ?

Le développement de ce projet biotechnologique synthétise à la fois :

  • Les dernières découvertes en matière d’écologie comportementale du loup en système pastoral ;
  • Une collaboration transdisciplinaire associant des compétences techniques de pointe ;
  • Vingt-cinq ans d’expérience pastorale, acquise auprès des éleveurs et bergers, ce qui fait beaucoup de sa richesse et de sa force.

Où en sommes-nous ?

Le projet a débuté en 2011, dans les cantons de Vaud et du Valais (Suisse). Il comprend deux volets :

  • La conception du système de détection des attaques ;
  • La composition du répulsif & des phéromones d’alarme, le choix du stimulus discriminant.

Le travail sur le premier volet est en cours de finalisation. Nous avions commencé par étudier la variabilité de la fréquence cardiaque des brebis, afin d’identifier un stress aigu. Cependant, il s’est avéré techniquement impossible de mesurer ce paramètre sur une période prolongée. De plus, nous avons constaté en filmant des attaques de loups que ces derniers pouvaient surprendre les brebis. Donc leur rythme cardiaque n’étant plus un bon indicateur de la prédation.

Aujourd’hui, nous suivons les modifications comportementales des brebis grâce à des accéléromètres intégrés au collier. Les observations éthologiques issues du projet CanOvis nous permettent également d’ajuster le seuil de déclenchement du système. La continuité de ce travail sera réalisée par un étudiant en Master II de l’université de Wageningen, en partenariat avec l’Institut Supérieur d’Agriculture et d’Agroalimentaire (ISARA) de Lyon.

La recherche d’un répulsif efficace a fait l’objet d’une étude réalisée dans un parc à loups (Alpha, Mercantour) en 2013. La suite de ce volet sera réalisée par le travail d’un étudiant de master (6 mois) sur l’identification des phéromones d’alarme, en collaboration avec l’Institut de Recherche en Sémiochimie et Éthologie Appliquée (IRSEA). La fabrication des prototypes sera effectuée par des ingénieurs de l’usine collaborative YouFactory. Un partenariat avec l’Université d’Annecy pour le développer est en cour de préparation.