Projet CanBovis

Depuis 2018, la Fondation est mandatée par le Canton de Vaud (Direction générale de l’environnement ainsi que la Direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires) afin de réaliser un suivi local des activités des meutes installées dans le Jura vaudois, chevauchant ainsi des zones à fortes activités humaines engendrant questionnements et inquiétudes.

En 2020, la première tentative d’attaque sur un troupeau de vaches allaitantes a fait prendre conscience de la vulnérabilité des troupeaux de jeunes bovins. A la suite des prédations répétées sur les troupeaux de bovins et à la situation particulièrement tendue qui en résulte dans cette région, la FJML s’active à :

  1. Réaliser un suivi local des loups (monitoring) sur tout le Jura vaudois par la collecte de données relatives à leur nombre, leur structure, leur territoire, leurs reproductions, leurs déplacements et leurs dynamiques grâce à un travail de terrain intensif et à un dispositif de plus de 200 pièges automatiques sur tout l’arc jurassien du nord vaudois. Ces informations (> 2’000 évènements loups enregistrés) permettent d’augmenter la connaissance de la biologie de l’espèce sur le territoire et d’informer les acteurs concernés (éleveurs, bergers, autorités).
  2. Accompagner les bergers et éleveurs de l’arc jurassien par de la sensibilisation et de la communication transparente et directe des activités des loups ; du conseil en mesures de protection ; du soutien logistique et psychologique post-prédation ; des interventions d’urgence (comme des surveillances nocturnes de troupeaux) dans les alpages vulnérables.
  3. Implémenter et tester de nouvelles mesures de protection pour les troupeaux afin de promouvoir une gestion non-léthale des loups notamment par l’effarouchement.
  4. Sensibiliser et communiquer au grand public par de nombreuses conférences et autres formations ainsi que des vidéos pédagogiques sur le loup dans le système pastoral.

Le loup, qui a été exterminé de nombreux territoires européens, est revenu en Suisse dans les années 1990 et dans le Jura vaudois dès 2013. La meute dite du “Marchairuz” s’est initialement installée dans le Jura vaudois en 2019. Depuis, plusieurs loups se sont dispersés et sont venus coloniser ce territoire transfrontalier d’approximativement 650 km2, menant à l’établissement de nouvelles meutes. Le Jura vaudois compte actuellement cinq meutes transfrontalières, dont la meute du Marchairuz, celle du Mont-Tendre, celle de la Haute-Chaine, celle du Risoud et celle de Jougne (Jougne-Suchet). Quelques individus isolés ont également été observés sur le plateau.

La présence d’au moins 25 individus est avérée dans le canton de Vaud en 2023. Le suivi des populations est réalisé en utilisant des caméras automatiques, un monitoring acoustique et la collecte d’échantillons génétiques tels que les excréments, l’urine, la salive et les poils. Les informations génétiques de certains individus sont disponibles sur le site suivant: https://www.vd.ch/themes/environnement/biodiversite-et-paysage/grands-carnivores/le-loup-dans-le-canton#c2093523.

Dans le cadre du mandat sur le Jura Vaudois en Suisse, la FJML mène diverses activités sur le terrain, tel que le monitoring des populations de loups, la surveillance des troupeaux à risque ainsi que l’effarouchement. Divers outils sont utilisés afin de réaliser nos actions sur le terrain, tel que des pièges photographiques (caméras automatiques) ainsi que des caméras thermiques. La FJML a également pour mission d’accompagner les bergers et éleveurs de l’arc jurassien ainsi que de sensibiliser et communiquer sur le loup dans le système pastoral au grand public.


Un réseau de caméras automatiques a été installé dans le but de suivre les déplacements des loups et l’évolution de la composition des meutes. Plus précisément, la FJML a pour but de détecter les sites de rendez-vous des loups et à partir de leurs origines d’essayer d’identifier les principaux axes de déplacements pour pouvoir informer les acteurs concernés et déterminer des emplacements pour les tirs d’effarouchement.

Le recours à un vaste réseau de caméras automatiques est un procédé puissant et avantageux, notamment en mode vidéo, qui est largement utilisé dans le monde entier pour le monitoring de la faune sauvage et cause un minimum de dérangements aux animaux étudiés. La vision nocturne, la recherche d’indices de présences (empreintes, crottes, hurlements), des analyses génétiques (crottes, prélèvements salivaires) et des échanges avec des personnes concernées (bergers, éleveurs, naturalistes, surveillants de la faune, citoyens, etc.) qui nous fournissent un certain nombre d’informations utiles au suivi peuvent compléter et enrichir les informations acquises grâce au réseau de caméras automatiques. Si elles sont relevées fréquemment et/ou couplées à des caméras automatiques connectées (c’est-à-dire qui envoient une notification sur un smartphone chaque fois que la caméra se déclenche), elles permettent de collecter des données immédiates qui aide à comprendre la vie des groupes de loups, leurs utilisations « au jour le jour » du territoire et leurs relations au troupeau.

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Les caméras automatiques

Les caméras automatiques permettent de suivre et de comprendre localement les activités des loups sur un territoire donné. Elles sont déclenchées à distance et prennent automatiquement des images et/ou des vidéos de la faune circulant à proximité. Il s’agit d’un puissant outil scientifique non-invasif qui est largement utilisé dans le monde entier dans le monitoring de la faune sauvage et cause un minimum de dérangements aux animaux étudiés (Rovero & Zimmermann 2016). De plus, appliquée au loup dans le système pastoral, elle permet de collecter des informations sur la fréquence de passages sur les alpages, le nombre de loups de taille adulte et de louveteaux et leur sexe, les traits phénotypiques individuels, l’organisation structurelle de la meute et d’obtenir des données cruciales concernant les interactions avec le bétail (Borelli et Landry 2021, 2022 ; Tableau 1). Si les CA sont relevées fréquemment (par ex. 1 fois/semaine), elles permettent de collecter rapidement des données quant à l’emplacement et l’activité de la meute. En revanche, cela exige une présence accrue sur le terrain et du temps pour analyser et ordonner les données. Un réseau qui couvre l’entier du territoire utilisé par les loups permet de répondre également à un besoin d’informations à destination des éleveurs et bergers.


Selon les dernières recherches scientifiques, les interventions non-létales (conditionnements aversifs, dispositifs d’effarouchements, animaux de protection) dans la gestion de conflits avec les grands carnivores seraient les options dont les effets positifs sont les plus durables. Ces méthodes sont basées sur une approche éthologique du loup – c’est-à-dire appliquée aux spécificités comportementales propres à cette espèce, qui est d’une part craintive et d’autre part sociale. Nous nous intéressons à un type d’effarouchement qui consiste à faire vivre une expérience douleureuse à un ou plusieurs loups lors de l’approche d’un troupeau grâce à un tir d’effarouchement traumatisant (TEFT) non létal qui ne blesse pas l’animal (balle en caoutchouc ou fusée explosive éclairante au dessus de la cible). L’objectif de conditionnement est multiple :

  • que les loups effarouchés associent le bétail à un fort traumatisme qui les conduit par sensibilisation à éviter subséquemment les troupeaux;
  • que s’opère un apprentissage social et que les loups effarouchés transmettent à leurs congénères l’expérience négative subie.

Il s’agira d’évaluer:

1. la capacité d’apprentissage par association des loups exposés à ce type de traumatisme en documentant notamment l’effet des TEFT sur les comportements immédiats et post traumatiques (présence/ absence de déprédation, effet de localisation, effet au troupeau et à l’espèce, évitement ou non du troupeau); la durée de l’apprentissage, (combien d’expositions au traumatisme sont nécessaires pour enregistrer une sensibilisation); et sa durabilité.

2. la part de l’apprentissage social dans la diminution du risque de prédation attendue: est-ce qu’un loup qui a été exposé au traumatisme transmet sa peur aux autres membres de la meute (notamment subadultes et louveteaux) et aux générations suivantes?

Nos hypothèses de travail sont les suivantes :

  • le TEFT peut être associé à un troupeau (voire à une espèce) et à un lieu;
  • un seul TEFT permet d’éduquer l’individu touché (one trial learning);
  • le TEFT est durable dans le temps;
  • l’efficacité du TEFT est socialement transmissible à d’autres congénères;
  • le TEFT n’est pas plus difficile à mettre en œuvre qu’un tir de défense;
  • le TEFT fait parti d’une boîte à outils de différentes mesures (complémentaires) de protection et de cohabitation avec les grands carnivores.

Bien que le tir d’effarouchement soit depuis longtemps préconisé, cette méthode a peu à peu été délaissée au profit des tirs létaux. Elle nécessite des études poussées qui permettront de valider son efficacité. Jusqu’à présent, nos propres tentatives de phases expérimentales présentent des résultats encourageants.

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Caméras thermiques

Le loup est un animal principalement nocturne et les interactions avec les troupeaux adviennent majoritairement de nuit. Nous utilisons donc des caméras thermiques, une technologie de pointe qui capture les différences de chaleur pour observer les interactions nocturnes des loups. Cet instrument permet de scanner le pâturage, constater la présence du prédateur et potentiellement interrompre une tentative d’attaque par différentes méthodes d’effarouchement.


Un groupe WhatsApp « Info Loup » a été créé afin d’annoncer, de manière transparente et instantanée, les cas de déprédations, mais également de récolter et donner des informations sur « la situation loup » et autres renseignements susceptibles d’intéresser les éleveurs et bergers. Le groupe WhatsApp Infos Loup compte actuellement plus de 200 membres. En 2022, ce sont 96 messages qui ont été envoyés sur ce groupe. Ce réseau social est uniquement réservé au monde agricole. Si vous souhaitez rejoindre le groupe, veuillez contacter Dariouch Ghavani au +41 78 644 75 03.

Les activités de la FJML, qu’il s’agisse du monitoring ou de l’effarouchement, sont réalisées en étroite collaboration avec le projet doctoral « Wolf & Cattle » de la Fondation KORA qui est en train de procéder à des captures de plusieurs individus des meutes du Jura vaudois afin de les équiper de coliers GPS. En tant que partenaire du projet de capture, la FJML réalisera des effarouchements planifiés : l’accès aux données des émetteurs GPS permettra d’optimiser les opportunités de rencontre par le suivi en temps réel des déplacements des loups équipés. Le suivi post-effarouchement permettra quant à lui de valider les hypothèses de l’étude.

Des effarouchements opportunistes sont quant à eux réalisés à la demande de bergers et éleveurs à la suite d’une suspicion de présence ou d’une attaque avérée sur un alpage. Dans ce cadre, nos équipes d’intervention collaborent directement avec les associations de garde telles que OPPAL ou encore les surveillants de la faune.

La mise en œuvre est rendue possible par le mandat auprès du canton de Vaud et des autorisations cantonales d’actions qui en découlent.

  • Un protocole d’évaluation des TEFT sur le comportement du loup et ses capacités d’apprentissage.
  • Une méthode de mise en œuvre des TEFT pour les zones sujettes à la déprédation.
  • Un rapport d’étude avec les méthodes et les résultats.

Si ces résultats participeront à nourrir les dernières recherches scientifiques sur Canis lupus, ils ont également pour vocation d’avoir une application concrète et réelle sur le terrain. Au long terme une brigade d’effarouchement pourra intervenir systématiquement et étendre sa zone d’action à l’ensemble des territoires nationaux qui subissent la prédation répétée du grand canidé.